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Platon H. et les S.O.C.O.S

Dans une série de surfaces inaugurales, au travers de perspectives et d'allonges de matières étirées sur la toile, Platon H. nous propose d'entrer dans les S.O.C.O.S. Comme une nouvelle construction du monde, un bâti contemporain de structures emboîtées, qui, au moyen d'assemblages composites de nature brute, nous emporte et nous soumet.


Relevant le défi ouvert par Support-Surfaces à Nice dans les années 70, et aussi par les précurseurs de la déconstruction de Duchamps à Arman, Platon H. entreprend une métamorphose de la matière en objets purs de sens, les S.O.C.O.S.


En une offrande quasi hésychaste, il trie et strie sur la toile ce qu'il recueille des éléments pour restituer en cette palette de S.O.C.O.S un éventail complexe de couleurs et de saveurs premières : une gaia aux vagues océaniques et aux formes optiques maîtrisées.


Nous assistons avec Platon H. à une "hellénisation" de la matière qui nous renvoie aux origines des hommes et des bêtes, aux cavernes et aux collines des premiers âges et qui débouche sur la forme pure. Comme pour signifier sur la toile notre lutte pour la survie et l'espace. Les S.O.C.O.S accomplissent et démontrent une soif esthétique de toute éternité.


Comme Vasarely, Morellet et bien d'autres, Platon H. nous ramène sur notre bassin trinitaire, mer terre air, celui qui nous lie à l'ascèse primitive du combat, de la contemplation de la nature et de la théoria, de la prière pure.


L'agencement des S.O.C.O.S nous oriente ainsi vers un dictamen esthétique nouveau : celui de la matière et des lignes qui s'entrecroisent à l'infini dans le vertige des forces telluriques réduites en autant de figures encadrées par le hasard. Une parousie, une résurrection, transposée ici par un affect cinétique primordial.


Platon H. nous conduit ainsi à l'extase des premiers mondes. Une réelle présence à soi qui figure le geste esthétique de ce début de millénaire. Un réenchantement, sans passé ni présent, qui impose un immédiat de la perception et de l'appropriation, celui du matériau brut devenu avant tout sensible.


Nous comprenons alors le rapport d'intensité qui nous unit au quotidien à la coquille, à l'éperon, à la craie, aux fruits mûrs. Comme une reconstruction du tissu originel, Platon H. nous entraîne sur la pente de la taxidermie, du recousu, du reconstitué, et nous sommes enlacés et conquis.


On peut sans aucun doute légitimement s'interroger en quoi les S.O.C.O.S se différencient des autres structures primaires rencontrées dans le champ de la déconstruction. Et nous répondons que c'est sans effet que Platon H. renoue dans ses toiles avec les surfaces organiques qui saturent nos sens, comme la chair d'un fruit, la peau des animaux velus, le sel de la terre nourricière. Il transpose comme aucun autre le percept qui nous envahit lorsque nous nous immergeons dans l'océan, dans la vague, dans la glèbe et le limon.


On se souvient alors des grottes obscures, des traînées d'encens et des animaux las comme autant de traces primaires transcrites en tranches effilées sur des canevas tendus. Une mise en situation qui nous envoûte et nous possède.
En paraphrasant Baudelaire pour qui la nature est un temple dont les arbres sont les vivants piliers, Platon H. perçoit la matière comme un réceptacle, une nef que les S.O.C.O.S structurent comme autant de vitraux éclairant nos ombres et nos chimères.
La force et l'habileté de Platon H. sont de signifier en direct, sans détours ni emphase, l'objet même de la quête : la jouissance esthétique de la pièce, du morceau.


Prenez les Socos agencées par les matériaux marins, coquillages ou coraux. La beauté y éclate sans artifices, dans des aplats bruts de couleur et de forme. Une peinture simple, immédiate qui permet de découvrir, de sentir, de s'émerveiller, comme un matin de printemps où l'on découvre la beauté du cosmos.


Richard d'Aix
janvier 2004,
Bruxelles

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